Le week-end fut éprouvant. Le directeur réussit sans trop de peine à lever les sanctions du CPE, pourtant Romain se présenta à l’étude chaque fois qu’il en avait l’occasion, pour se débattre comme il le pouvait contre ses mathématiques.
Le soir, il rejoignait Josselin dans la chambre et le priait de lui expliquer ce qu’il ne comprenait pas. Patient, son ami reprenait point par point les cours dispensés par un professeur moins scrupuleux que lui. Dut-il y passer la soirée, il fallait que Romain comprenne.
Le lundi matin, les effectifs se gonflèrent, on reprit place dans les salles de classe. Romain lutta contre toutes les tentations du monde pour se concentrer sur son travail.
Ses amis, Josselin mis à part, s’étonnèrent de son sérieux. Quelques uns le charrièrent gaiement. Romain y répondit avec un esprit adroit qui fit taire les plaisantins.
Les cinq redoublants de terminale scientifique s’étaient vite rapprochés en début d’année pour finalement devenir inséparables. Ils partageaient leur chambre, participaient aux mêmes activités sportives, aimaient à s’amuser. Quand l’un allait mal, l’autre le réconfortait ; si l’un se prenait trop au sérieux, l’autre le plaisantait pour le ramener sur terre.
La journée s’écoula rapidement ; les garçons étaient heureux, à défaut de travailler, de se retrouver.
Quand la sonnerie retentit en fin de journée, les trois tables du fond furent les premières à sortir : le lundi soir, pour consoler ses amis de la reprise des cours, Romain faisait la lecture de ses écrits. On se précipita vers la chambre, alors que les surveillants rassemblaient écoliers et collégiens pensionnaires pour les activités du soir.
Quatre garçons s’avachirent sur leurs lits pendant que le dernier fermait la porte. Romain, un sourire moqueur aux lèvres, regarda ses amis, puis fouilla dans son tiroir pour en sortir quelques feuillets.
- Vous êtes chou.
- Allez, Père Castor, raconte-nous ton histoire, sois pas vache ! taquina l’un.
- Ce serait le comble, pour un castor.
- Vous êtes affligeants, soupira un autre.
- C’était quoi, déjà, le dernier chapitre ? Je ne m’en souviens pas.
- Mais si ! La description du gars : douze ans, un peu obscur, les yeux très sombres, quasi muet, aimable comme un fond de casserole…, ancré dans sa mélancolie, quoi ! Il faut le comprendre : tout le monde lui marche dessus avec des godasses ferrées, ce n’est pas agréable.
- Comment s’appelle-t-il, déjà ?
- Il n’a pas de nom. Il a un pseudo qu’il s’est donné : Abraham.
- Ah oui ! à cause qu’un vieillard à moitié vivant lui a adressé la parole, alors que personne ne lui avait jamais parlé depuis ses cinq ans et que…
- Philippe, c’est toi qui raconte, ou c’est Romain ?
- Ça va, c’était pour répondre aux questions de Christian, c’est tout.
- Allez, fermez tous vos grandes bouches, railla gentiment Josselin. Vas-y, Romain.
- « La nuit se retirait peu à peu de la terre trempée, laissant planer dans l’air un parfum aigre-doux. La bruine de l’automne transperçait la vieille couverture déchirée dont s’enveloppait le gamin. Ses genoux grêles s’entrechoquaient à chaque pas, il marchait le dos courbé, la bouche rentrée sous la couverture pour y souffler un peu de chaleur. »
Josselin s’allongea sur sa couche et ferma les yeux pour mieux écouter. Il sentait le froid engourdissant, le frisson de la forêt dans l’aube glacée. Toute la misère du monde semblait peser sur les épaules du personnage qui marchait vers la lumière.
Le silence des quatre garçons, pourtant toujours distraits en cours, était sans doute la plus belle récompense qu’aurait pu espérer Romain.
Tandis que ce jeune miséreux, à qui il avait donné naissance et souffrance, évoluait dans une vaste plaine déserte traversée par des vents glaciaux, Romain sentait une pointe de fierté l’envahir en une douce chaleur. C’était rassurant d’être enfin écouté, de susciter l’intérêt après n’avoir récolté que l’indifférence la plus totale auprès de ses parents.
Les grands yeux verts de Philippe le dévisageaient avec un émerveillement naïf mêlé d’admiration. On devinait que la fierté le gagnait, lui aussi, et qu’il se sentait important, avec un ami si adroit à ses côtés. L’habileté de Romain à manier les mots suffisait certainement à effacer toutes les maladresses et pauvretés de langage du plus jeune de ses compagnons.
Si celui-ci rêvait d’une chose, c’était bien de ressembler à ce poète qu’il mettait sur un piédestal. Philippe, en effet, aurait pu se vanter d’avoir sauté une classe s’il n’avait redoublé la suivante à cause de ses lacunes évidentes en français. Son langage imagé aurait pourtant séduit s’il s’était accompagné de quelques bases solides en grammaire.
Assis contre le mur au fond de son lit, Barthélémy Laparuche, écoutait distraitement le romancier, plus par amitié que par réel intérêt. Parce que Romain était plutôt discret et que c’était sa façon de crier que de se dévoiler dans son écriture ; parce qu’il était toujours à l’écoute des autres et ne s’imposait qu’une fois par semaine, en faisant la lecture pour ses amis ; parce qu’enfin c’était bien le seul, ici, à aller au bout de ses idées au point de les coucher par écrit.
Barthélémy, d’un tempérament plutôt froid et méfiant, aimait que les gens s’engagent, affirment leurs convictions. Mieux valait pour eux qu’ils aient les mêmes idées que lui, mais il préférait encore avoir un adversaire que de croiser un « mouton débile », selon son expression. La bêtise et l’injustice le révoltaient au plus haut point, presque autant que la lâcheté.
Bagarreur, insolent : si Barthélémy l’était parfois, ce n’était pas par méchanceté mais bien pour provoquer les réactions, savoir jusqu’à quel point son adversaire était capable de défendre ses idées. S’exposer soi-même pour ses croyances, voilà qui était courageux. Si la politique avait eu quelque chose d’héroïque, certainement, Barthélémy s’y serait engagé sans hésiter.
Sur la couche superposée à celle de ce philosophe, Christian Arboussière trouvait tour à tour le récit naïf ou mature, bien écrit ou maladroit, beau ou lassant. Peut-être l’écriture de Romain était-elle encore instable, peut-être aussi était-ce un tour du caractère capricieux de Christian.
Romain était un idéaliste au grand cœur, et cela énervait souvent l’enfant gâté qu’était Christian, rebellé contre la bourgeoisie et contre l’admiration pesante que lui vouaient ses parents. Depuis quelques années, il s’exerçait à les décevoir méthodiquement, de la même façon que Romain cherchait à plaire aux siens.
Ainsi, il avait fait les pires choses à leurs yeux : trompé leur confiance en fumant loin de leurs yeux, rejeté leur religion, déshonoré leur nom en courant les filles et en se faisant maître en débauche. D’où sa présence à la pension de Saint-Loup, après les nombreuses inquiétudes de ses professeurs, à défaut de la poigne ferme de parents aveugles.
La beauté, l’innocence, la pureté le répugnaient trop souvent. Cependant, il était fidèle et mettait tout son honneur de ce côté-là.
La voix de Romain dessinait un monde dur, un personnage sans cesse rejeté, qui en devenait sauvage et agressif. La société modelant un loup.
- Ben dis, siffla Josselin quand le lecteur s’arrêta. Tu étais déprimé pour écrire des choses pareilles ?
- C’est déprimant ?
- Un peu, oui ! Je te connais plus optimiste que ça.
- Ne t’inquiète pas, ça finira bien. Si tout est beau dès le début, l’histoire ne peut que finir mal ou être ennuyeuse. Alors, mieux vaut partir de la souffrance pour arriver au bonheur, non ?
- Tu ne peux pas faire une histoire joyeuse tout le long ? s’étonna Philippe.
Romain sourit à son ami et haussa les épaules.
- J’essaierai quand je serai meilleur et plus inspiré.
- Quand tu seras amoureux, dit Josselin, ça viendra : tu ne penseras qu’au bonheur.
- Le bonheur paraît souvent ennuyeux.
- Sans doute parce qu’il l’est ! grinça Christian.
- J’aimerais bien voir ça ! s’exclama Barthélémy. Le bonheur, ennuyeux ? Blagueur, va.
- Les gars, vous avez vu ? on a une voisine en face !
L’internat était un grand bâtiment de pierre, partie d’une vieille maison française partagée en deux. D’un côté, l’école de garçons, de l’autre les filles : Sainte-Agathe.
Il était presque impossible aux uns de voir les autres, en-dehors des week-ends et des rares activités mixtes, strictement encadrés.
Par quel mystère avait-on placé une jeune fille face à la chambre de cinq pensionnaires ?
Philippe, collé à la fenêtre, faisait signe aux autres de le rejoindre. Ils s’amassèrent derrière lui.
- On dirait qu’elle dessine… Barthé, tu as des jumelles, non ?
- Ça ne va pas ? On n’est pas des voyeurs, non plus !
- Rho, tout de suite les grands mots ! On regarde juste quel âge elle a, c’est tout !
- Et si elle est jolie…, mais ça se voit d’ici : c’est une bombe. Elle a de ces cheveux noirs, brillants et tout…
Christian écarta Philippe, agacé par son discours intéressé.
- Elle doit avoir seize ans.
- Je dirais moins.
- Faites vos jeux !
- Et comment pourra-t-on vérifier ?
- On lui demandera.
- Il y a au moins sept mètres d’ici à chez elle, comment comptes-tu t’y prendre ?
- On se débrouillera. On arrive bien à sortir de l’internat pour aller en ville, alors pourquoi on n’arriverait pas à faire sept mètres ?
Les garçons s’assirent sur un lit pour faire leurs paris. Seul Romain restait debout, à côté de la fenêtre, pensif.
- Ça y est, le v’là amoureux, il va enfin pouvoir nous pondre des histoires heureuses.
- Fous-lui la paix, c’est un poète.
- Romain, tu penses qu’elle a quel âge ?
- Quatorze.
- Tu me fais flipper, à être immobile, comme ça ! Viens avec nous !
- Elle m’inspire, objecta Romain. Si Abraham rencontrait une jeune fille toute simple, gentille et tout, peut-être qu’elle pourrait l’apprivoiser.
- Qui te dit qu’elle est gentille ? Si ça se trouve, c’est la pire fille au monde.
- Mais non ! Toutes les filles de Sainte-Agathe sont de gentilles petites chrétiennes comme il faut.
- Et j’imagine qu’elles disent la même chose de nous.
Romain réfléchit, puis rit.
- Alors effectivement, mon raisonnement n’est pas bon.
Il s’assit devant le bureau et attrapa une feuille blanche pour aligner quelques mots. Josselin le regardait avec amusement, Romain le chassa d’une main ferme.
- Je déteste qu’on lise dans mon dos ! déclara-t-il.
- On aura fini par le savoir, répondit l’autre en ouvrant la porte. Bon. Je vais dehors, un peu. Qui vient avec moi ?
- J’arrive, assura Romain, quand j’aurai fini ça.
- Les autres, venez vous mesurer à moi au volley !
- Le volley, c’est pour les minables.
- Tu vas voir, si je suis un minable !
Josselin et Christian se mirent en position pour batailler, les autres pouffèrent.
- Je fais l’arbitre ! lança Philippe.
- Bien sûr, j’allais te le proposer, ironisa Josselin. C’est injuste, on sait tous que tu es du côté de Christian.
- Il faudrait beau voir !
- Apprends à parler, déjà, rit Barthélémy.
- Ce n’est pas comme ça qu’on dit ?
Alerté par le bruit, un surveillant entra par la porte entrouverte.
- Que se passe-t-il ici ? Dehors, le chahut !
- Hervé ! Devine quoi ?
- Euh… Une soucoupe volante s’est posée dans le parc ?
- Mieux ! Une fille s’est installée dans la chambre en face.
Le surveillant sourit, amusé.
- Dites donc, méfiez-vous ! En parler à un vieux garçon comme moi, vous n’êtes pas fous, vous ! Je pourrais être jaloux et vous changer de chambre.
- Sans blague, tu n’es pas marié ?
- Je n’ai pas ce bonheur, non.
- Les filles ne savent pas ce qu’elles perdent ! Ça viendra, beau gosse comme t’es !
- « Vieux garçon », Hervé ! s’exclama Philippe. On aurait tout vu, tiens ! Garçon peut-être, mais vieux…
- J’ai trente-huit ans, gamin.
- L’âge, c’est tout dans la tête.
- Un peu dans les jambes aussi. Bon, descendez ou je vais devoir me fâcher. Vos voisins apprécieraient un peu de calme.
- On descend, mais seulement parce qu’on le veut bien ! plaisanta Josselin. Romainchou, tu nous rejoins ?
- Promis.
Hervé laissa passer les quatre garçons, puis se tourna vers Romain qui restait devant son bureau.
- Tu restes, toi ?
- Un peu…
L’interne baissa le menton, pensif, puis se retourna vers le surveillant.
- Pourquoi tu n’es pas marié ?
- Je me suis aperçu il y a peu que la femme parfaite n’existait pas.
- Une femme n’a pas besoin d’être parfaite pour aimer.
- C’est un peu tard maintenant, tu sais.
- Trop tard pour quoi ? Trente-huit ans, ce n’est pas si vieux.
- Qui voudrait de moi ? Tu te fais des illusions, Romain.
- Je ne saurais pas dire si tu serais un bon mari, mais je t’assure que tu ferais un père excellent.
- Je te remercie.
- Et tu sais pourquoi ? Parce que tu sais aimer. Mes parents à moi, ils ne m’aiment pas, ou pas assez. Toi, tu sais faire, tu as cette fibre-là. Tu es encore capable d’aimer une femme, c’est certain.
- C’est un peu plus compliqué que ça.
- On dirait que tu as peur de… de te démarquer. Tu es catégorisé « vieux garçon », alors tu ne sors pas de cette case. Tu as envie de te marier ?
- Un peu, que j’en ai envie, oui ! railla Hervé, surpris par le ton grave du garçon.
- Ce serait cool, parce que c’est un truc super, et que comme tu es un type super aussi, ça collerait bien…
- Tu lis trop de bouquins, Romain. Je me marierai le jour où une femme voudra bien de moi.
- Le problème, c’est qu’il faut qu’elle te plaise aussi, et ça…
Hervé haussa les épaules. Un peu agacé, il se retira pour surveiller les autres chambres.
*
La veille des vacances de Noël, comme chaque année, Monsieur Janvier, en accord avec la directrice de Sainte-Agathe et avec l’aumônier des deux écoles, avait organisé une messe et une veillée pour les familles des élèves.
À titre exceptionnel, donc, les écoles mirent en commun leurs activités. On prépara la fête avec ardeur, tout l’après-midi, chacun participant comme il le pouvait. Théâtre, chant, musique, danses, jeux de lumière… Les rôles furent distribués selon les talents des élèves.
- Romain, tu vas où ?
- Aux ombres chinoises, ils ont besoin d’un lecteur et…
- Bah ! N’importe qui peut faire ça ! Viens avec nous à la chorale.
- J’aiderai un peu pour les décors, aussi. Je t’assure que ça me va très bien. On se retrouve pour la messe ?
- Comme tu veux.
Les garçons se séparèrent. Romain cherchait la solitude, comme souvent. Josselin savait par expérience qu’il valait mieux s’en séparer un moment que de lui imposer une compagnie, si aimable soit-elle. Le poète avait besoin de silence pour penser et rêver.
Philippe lui donna un coup de coude avant de s’éloigner, lançant un long regard appuyé vers le portail comme pour lui montrer quelque chose.
Romain se retourna et aperçut une jeune fille de quatorze ans, un peu perdue au milieu de la foule. Elle restait à l’écart, par timidité ou par discrétion.
Il reconnu aussitôt la pensionnaire qui s’était installée face à leur chambre. Il sourit à Philippe qui le guettait et, alors que les autres s’éloignaient avec la chorale, se dirigea vers elle.
- Salut. Tu es nouvelle ici, non ?
- Oui…, je suis arrivée lundi.
- Je sais. Enfin, je veux dire…
Elle sourit, amusée devant sa confusion.
- Je vous ai vus, toi et tes copains. Vous êtes dans la chambre en face. Pas très discrets …
- Excuse-nous.
- Je m’appelle Clarisse, et toi ?
- Romain. Tu fais les ombres chinoises, toi aussi ?
- Oui.
- On t’a vue dessiner. Tu y passes beaucoup de temps ?
- Autant que toi quand tu écris. C’est une passion.
- Comment sais-tu que j’écris ?
- Tu passes des heures devant la table. Je vous vois très bien, moi aussi, tu sais.
Le surveillant, Hervé, appela son groupe pour préparer le spectacle d’ombres chinoises. On entra dans la salle, Clarisse sur les pas de Romain.
- Comment se fait-il que tu arrives en milieu d’année ? demanda-t-il.
- Je vis chez mon oncle depuis ma naissance, mais sa femme a déclaré un cancer il y a quelques mois. C’est lourd, et si en plus il faut s’occuper de moi… Alors, on m’a envoyée ici.
- Il restait de la place ?
- On m’en a fait.
Clarisse baissa la tête. Romain n’insista pas. Hervé se démenait pour obtenir un peu d’ordre. Les deux pensionnaires s’installèrent autour d’une table pour écouter les consignes. Les autres élèves suivirent le mouvement, Hervé envoya un regard reconnaissant à Romain.
Le surveillant lut pour tous le conte à animer, puis on se précipita sur le papier cartonné pour dessiner les personnages et décors, dans une joyeuse pagaille. Après avoir contrôlé que les rôles soient bien distribués, Hervé vint s’asseoir près de Romain.
- Tu voudras lire ? proposa-t-il.
- Oui, je veux bien.
- On répètera une fois, quand tout sera dessiné et découpé.
- Tu as l’air fatigué.
- Ne t’occupe pas de ça. Il manque un personnage, tu ne veux pas t’y coller ?
- Lequel ?
- Le singe. Ça te va bien, merci Romain !
Sur ces paroles, Hervé se leva en souriant et alla répondre aux questions d’autres élèves qui l’appelaient. Romain, difficile à vexer, s’empara d’un bout de papier pour esquisser les traits d’un être informe.
Il dessina, gomma, reprit, effaça encore, déchira sa feuille, finit par perdre patience.
- Un singe…, râla-t-il. Moi qui ne sais même pas dessiner une fleur…
- C’est dommage, on aurait pu échanger, se moqua Clarisse.
Il la regarda, étonné par son ton railleur.
- Tu dois dessiner une fleur ? demanda-t-il.
- Un jardin. Mais tant pis : si tu ne sais pas faire, garde ton singe.
- Je peux faire un effort.
Elle rit, échangea leurs dessins.
- Tu rentres chez ton oncle pour les vacances ? s’enquit-il.
- Oui, dit-elle en s’assombrissant.
- Ça n’a pas l’air de t’enchanter.
- Ça risque d’être un peu triste, c’est tout.
- Elle est très malade, ta tante ?
- Elle est à l’hôpital, pour une chimiothérapie.
- Pourquoi vis-tu chez eux ?
- Mes parents sont en Amérique, je ne les connais pas. Ils ont des affaires plus importantes que moi. Je ne me plains pas, on a été très généreux avec moi.
Romain hocha la tête.
- Garçon, demanda Hervé en revenant vers eux, je peux te demander un service ?
- Oui, bien sûr !
- Mon frère se marie demain, je suis chargé du discours. Je l’ai fait, va, ne prends pas cet air-là ! Je voudrais juste que tu me corriges un peu les fautes.
- Moi ?
- Ah, non, pardon, je me suis gouré ! railla le surveillant. Évidemment, toi ! … Quand je fais ce genre de discours, je cherche à faire de belles phrases, et je me plante dans les tournures. Tu pourrais m’aider ce soir, pendant la récré ?
- Pas de problème, je suis flatté. Quel âge a-t-il, ton frère ?
- Vingt-huit ans.
- Vous avez dix ans de différence !
- Eh oui…
- Profites-en pour trouver une princesse.
Hervé sourit d’un air entendu, sans trop y croire malgré tout.
Les garçons se retrouvèrent pour la messe, Clarisse n’osa pas se mêler à eux et s’assit sur les bancs de derrière. Elle s’agenouilla pour se recueillir.
Quelques familles arrivèrent, celles des externes pour la plupart.
Romain regarda Hervé qui s’avançait pour diriger le chant d’entrée. Puis, il ferma les yeux pour murmurer une prière.